//

Qu’est-ce que le jeu de rôle sans meneur ? (2/3)

Start

L’histoire des jeux de rôle sans meneur

Voici la suite de cette série d’articles consacrés aux jeux de rôle qui se jouent sans un seul meneur de jeu unique et permanent (la première partie est accessible ici)

Pour ce deuxième article, j’ai fait appel aux connaissances de l’ami Gherhartd Sildoenfein bien connu des auditeurs de Radio Roliste et qui a notamment sorti récemment une aide de jeu intitulée Jouer un personnage.

Ensemble nous nous sommes sacrément amusés en creusant le sujet de cet article. J’espère que vous prendrez au moins autant de plaisir que nous à la lecture.

Avant de commencer: Cet article est un texte évolutif. Cela signifie qu’il sera mis à jour régulièrement et qu’il sera accompagné de notes pour indiquer les modifications futures. Nos connaissances sont limitées et au fur et à mesure que nous en apprendrons plus sur le sujet, le texte sera modifié, affiné et complété.

Cher lecteur, si vous voyez des imprécisions ou un moyen d’améliorer cet article, n’hésitez pas à me le signaler sur twitter ou dans les commentaires.


Introduction

Pour parler de cette histoire, nous allons avant tout parler de l’histoire du jeu de rôle en général. Car à toutes les époques les rôlistes ont inventé de nouvelles règles et de nouvelles manières de jouer. Nous allons donc traverser les époques, en partant des origines dans les années 1970. Oh! et autant briser de suite une idée reçue : jouer à un jeu de rôle seul, ou sans meneur de jeu, ou encore avec un meneur tournant ça n’a rien de nouveau. Cette histoire est longue et passionnante car elle parle avant tout des rôlistes, de leurs envies, de leurs délires et de leur amour pour les jeux de rôle.


Le mythe des origines

Avant de me poser la question de l’histoire des jeux de rôle sans meneur de jeu (MJ) et de m’y intéresser, j’étais vraiment persuadé que ces jeux avaient une origine récente (pour moi qui ai 38 ans, récent c’est les années 2000 😋). Oh je me doutais bien qu’il devait y avoir eu des tentatives avant cette date – mais clairement pour moi c’était un peu la préhistoire du jeu sans MJ.

Or cette histoire est beaucoup plus ancienne. Et il n’existe pas un jeu ou un auteur de jeu sans MJ initial. Les origines de ces jeux ressemblent beaucoup plus à des faisceaux d’idées et d’envies expérimentées par les rôlistes à leurs tables de jeu. Au fil des décennies ils ont créé de nombreuses manières différentes de jouer – ce qu’on appelle souvent les pratiques de jeu. Dans cet article nous allons nous concentrer avant tout sur les jeux, pas sur les pratiques. C’est à dire que nous parlerons uniquement des jeux publiés. En général un jeu est le reflet d’une pratique qui le précède. Mais il est important de noter également que ce n’est pas parce qu’aucun jeu n’est publié en rapport avec une pratique que celle-ci n’a pas existé.


Les années 70

A l’origine des jeux de rôle, on trouve les wargames – des jeux simulant des guerres entre des unités militaires déplacées sur un champ de bataille, avec parfois un rôle d’arbitre. Dans ce cas, l’arbitre peut généralement servir à 3 choses : à créer un brouillard de guerre, chaque joueuse ou joueur jouant sur une carte différente ne faisant figurer que ses troupes et les informations qu’il possède sur son adversaire et l’arbitre faisant le relais entre les deux ; à prendre des décisions impartiales et expertes – par expérience sur les champs de bataille, ces jeux étant joué au départ pour la formation des militaires, ou par connaissance historique – sur comment les situations se résolvent lorsqu’elles sortent des règles ou pour accélérer la résolution ; éventuellement pour vérifier la bonne application des règles et trancher les différences d’interprétation.

Depuis longtemps, les joueuses et joueurs de wargame ont des règles pour jouer en solitaire à leurs jeux préférés, contre le jeu. Lorsque les premiers jeux de rôle – publiés ou non – naquirent des wargames, ils importèrent leurs pratiques. Et on trouve alors le témoignage des premiers jeux de rôle solo (ou en solitaire).

Charles Grant et Phil Barker jouant à un wargame
source
photographie par Cory Doctorow

Et c’est ainsi que dès les premiers jeux de rôle publiés, on trouve des variantes de règles pour jouer seul, sans maître de jeu, avec des outils adaptés.

C’est le cas pour Dungeons & Dragons (1974, Dungeons & Dragons – Rules for Fantastic Medieval Wargames Campaigns Playable with Paper and Pencil and Miniature Figures, Gary Gygax et Dave Arneson), pour lequel Gary Gygax propose en 1975 dans un magazine (The Strategic Review, Vol.1) une génération aléatoire de donjon pour qu’un MJ puisse jouer seul.

En 1976, Rick Loomis propose une aventure en solitaire(Buffalo Castle) pour le jeu de Ken St Andre Tunnels & Trolls (de 1975), à la manière des livres dont vous êtes le héros. Une version en ligne du Buffalo Castle (en anglais) est disponible pour vous faire une idée http://www.flyingbuffalo.com/bcintro.htm

Buffalo Castle par Rick Loomis un donjon à jouer en solitaire – 1976
Gary Gygax, un générateur aléatoire de donjons pour 1 joueur – 1975

Retour en 1975 pour un exemple plus marquant pour notre propos, même s’il est moins resté dans les mémoires, sort En Garde! (en français dans le titre), un jeu “de simulation semi-historique” dans lequel les joueuses et joueurs incarnent des bretteurs d’un XVIIe ou XVIIIe siècle fantasmé. Il se joue sans arbitre, avec un système d’ordre à la Diplomacy (un ordre par semaine, un ordre par passe d’arme dans un duel…). Le but du jeu est de voir les péripéties des personnages alors qu’ils essayent de maintenir leur niveau social. L’idée d’y jouer avec un arbitre n’y est même pas mentionnée.

Le jeu a connu une réédition en 2015 et est encore joué notamment en ligne sur ce site.



En 1977, Traveller commence quasiment par ces mots (ils sont sur la deuxième page, pas la première) : JOUER LE JEU : Traveller peut être joué dans trois configurations : solitaire, scénario ou campagne. Toute configuration peut être jouée sans arbitre (c’est-à-dire sans arbitre ; les joueurs eux-mêmes administrent les règles et manipulent la situation). On recommande plutôt le jeu avec arbitrage (dans lequel un joueur distinct administre les règles et crée et manipule secrètement les situations).

Évidemment, la façon de jouer de l’époque est certainement assez différente de celle d’aujourd’hui (en page 1) : Un nombre illimité de personnes peut participer à une campagne ou à un scénario, bien qu’en général, 40 joueurs au maximum doivent être traités comme un maximum.  La taille optimale du jeu (basée sur la capacité de l’arbitre à contrôler et à interagir efficacement) est de trois à dix personnes.


Les années 80

En 1982; Gangbusters propose de jouer des gangster, policiers et reporters durant la prohibition aux états-unis. Il s’ouvre sur cette explication : Gangbusters est un jeu de rôle, une forme avancée de “on dirait que…”. Dans un jeu typique, deux à huit joueurs sont assis autour d’une grande table. Ils mettront en scène les aventures de personnes importantes de la ville ; un joueur peut être un agent de la prohibition, un autre un journaliste et un troisième un détective privé. Les autres joueurs pourraient être le chef de la police municipale, un détective et un gangster. Supposons maintenant que le joueur gangster vient de dévaliser un petit magasin de matériel. Le chef de la police et son détective doivent essayer d’arrêter le gangster. Le chef de la police sait que le gangster dirige également un commerce de contrebande, il appelle donc l’agent de la prohibition pour organiser une descente dans les brasseries du gang. Pendant ce temps, le journaliste essaie de découvrir pourquoi le gangster volerait une petite quincaillerie et le détective privé a été engagé par le propriétaire du magasin pour récupérer les biens volés. Les personnes que ces joueurs prétendent être sont appelées des personnages de joueurs (PJ en abrégé). De temps en temps, ces personnages de joueurs devront rencontrer et parler à d’autres personnes dans la ville, des personnes qui ne sont pas jouées par un joueur. Ces autres personnes sont appelées des personnages non-joueurs (en abrégé PNJ).  Dans les parties impliquant de nombreux personnages non-joueurs, un joueur joue le rôle spécial de juge. Le juge d’un jeu sert d’arbitre. Il aide à maintenir l’action en mouvement et joue les rôles de tous les PNJ que les personnages joueurs rencontrent. Les fonctions du juge pour un jeu Gangbuster sont expliquées plus loin dans ce livre de règles. Vous n’avez pas besoin d’un juge pour jouer. De nombreux jeux passionnants peuvent être joués sans juge.

Le jeu sans MJ est donc au moins aussi vieux que le jeu de rôle, on en trouve avant même que le jeu de rôle ne s’appelle encore comme cela. Et, à l’époque, il ne semble en rien être une étrangeté. Toutefois, le jeu de rôle avec meneur est celui qui capte et retient l’attention, la majorité des jeux publiés ne retiennent que cette forme.


En 1987, deux publications jumelles, toutes deux de Jonathan Tweet et Mark Rein*Hagen, vont troubler cet état de fait. Tout d’abord, les Whimsy Card : un jeu de carte pour modifier la pratique d’un jeu de rôle en donnant plus d’autorité narrative aux joueuses et  joueurs.

Le principe est simple : au début d’une partie, chaque joueuse et chaque joueur reçoit un certain nombre de cartes. À tout moment au cours de la partie, n’importe qui peut choisir de jouer une de ses cartes (un exemple de carte : Paresse – Quelqu’un est très paresseux. Les gardes se relâchent, les écuyers négligent leurs devoirs et les aubergistes vous servent lentement). Cette personne prend alors la main sur le jeu (évènements, réactions des PNJ…) le temps de jouer ce que la carte propose. Le MJ dispose toutefois d’un pouvoir de veto ou de correction pour veiller à la cohérence, à l’amusement général (ou pour éviter que son scénario ne soit totalement déraillé), et les autres joueurs et joueuses peuvent opposer leur veto pour ce qui concerne leurs personnages. Cette idée sera reprise par d’autres, que ce soit comme supplément “générique”, ou dans certains jeux, comme Torg en 1990.

Une version des Whimsy Card aux graphismes réactualisés est disponible à prix libre ici : https://www.drivethrurpg.com/product/177643/Whimsy-Cards

Ces cartes sont prévues spécifiquement pour un jeu, qui va sortir quelques mois plus tard : Ars Magica. Ars Magica propose, en plus d’utiliser les Whimsy Cards, le jeu en troupe. Troupe, comme dans troupe de théâtre. Ce qui signifie plusieurs choses. Le jeu propose de jouer la vie d’une alliance de mages dans une europe médiévale mythique. L’alliance est composée de trois types de personnages : les mages, les seuls à pouvoir manier véritablement la magie, les compagnons, des personnes exceptionnelles qui assistent les mages, et les grogs, les simples serviteurs, les petites mains. La première chose est qu’Ars Magica propose aux joueurs et joueuses est de créer deux personnages : créer un mage et son compagnon. Lors de chaque séance, il ou elle incarnera à son libre choix soit son mage, soit son personnage compagnon. Deuxième chose, simultanément, les joueuses et joueurs incarnent les grogs. Ces derniers ne sont réservés à aucun joueur ou joueuse et n’importe qui peut les jouer à n’importe quel moment, en même temps que son personnage principal. 

Ces deux éléments ne sont pas nécessairement des nouveautés (par exemple, Gary Gygax propose dans le Dungeon Master’s Guide d’ADD en 1978 que certains joueurs et certaines joueuses puissent jouer alternativement plusieurs personnages dans des circonstances spécifiques), mais ils forment un tout avec le troisième élément pour former le jeu en troupe. Cette troisième chose est la rotation des meneurs de jeu (en anglais : story guides). Le jeu propose que chacune et chacun puisse le mener, que chacune et chacun puisse proposer une aventure aux autres joueurs et joueuses de la troupe. N’importe qui peut être le ou la guide de l’histoire, son identité peut changer à chaque séance, à chaque aventure.

La pratique du jeu en troupe sera décrite plus précisément dans un article de White Wolf Magazine en 1990 (no 21). Pour faciliter les choses et éviter les conflits entre meneurs, les auteurs conseillent à chacun de se réserver un domaine : tel duché et ses dirigeants, tel domaine magique… Évidemment, dès qu’une aventure touchera un de ces éléments réservés, son propriétaire interviendra, ce qui introduira naturellement des meneurs simultanés à la table, jouant à la fois l’un ou l’autre de leur personnage, les grogs, et leur domaine de meneur.


1988 : Première édition de Engle Matrix Games

Engle Matrix Games est présenté comme un wargame avec figurine et carte sans score, ni dé et basé uniquement sur la discussion. Le rôle du MJ (appelé arbitre) n’est pas de créer l’univers de la partie. Cette tâche est assurée par les joueurs. Le rôle de l’arbitre est de prendre des décisions basées sur les arguments des joueurs et de faciliter leurs discussions. Il possède également un droit de véto. Les joueurs incarnent chacun un personnage et sont libres de créer des faits et de construire l’univers. L’arbitre suit un scénario constitué de plusieurs listes de mots clefs. La partie débute sur un problème principal, créé par l’arbitre. Libre ensuite aux joueurs d’argumenter et de négocier ce qui se passe dans la fiction.


1989 : Prince Vaillant 1ère édition

Le magazine Casus Belli décrit Prince Vaillant comme un univers ‘”arthurien-hollywoodien”, avec dames en péril, félons abjects, envahisseurs sans scrupules. C’est un jeu décrit souvent comme un très bon jeu d’initiation : les règles sont simples et le livre de règles consacre tout un chapitre à l’initiation. Les règles avancées proposent à un joueur de devenir MJ le temps d’un épisode en marge ou non de l’aventure principale. Des conseils spécifiques sont donnés pour initier le joueur à son rôle de MJ temporaire.


Les années 90

Dans l’édition juin/juillet 1990 du magazine White Wolf, on trouve un article présentant le principe de jeu de troupe intitulé “Troupe style role-playing”. Que diriez-vous d’un jeu de rôle sans MJ, ou d’un jeu à 20 joueurs (tous travaillant pour intriguer contre les autres), ou encore d’un jeu où vous avez tous 20 personnages pour pouvoir jouer le rôle d’un château entier. […] Dans les jeux de troupe, le MJ n’est pas seul responsable de tout ce qui se passe dans la campagne – tous les joueurs se partagent la responsabilité. Chaque joueur aide à décider comment la campagne va se dérouler […]. Chaque joueur a plus d’un personnage, mais ne jouera généralement qu’un seul d’entre eux à chaque session de jeu. De plus, plusieurs ou tous les joueurs sont à tour de rôle le GM.

Il faut savoir que l’équipe de Lion Rampant qui a publié Ars Magica quelques années plus tôt s’est beaucoup rapproché à l’époque de White Wolf.

On retrouve à cette époque des témoignages de jeux non publiés dont certains se rapprochent pour beaucoup des idées du jeu sans meneur ou avec un meneur tournant. Mais ces jeux n’étaient alors pas publiés et n’étaient diffusés qu’à une petite échelle. Internet va changer la donne et va progressivement donner lieu à une sorte de diaspora de ces jeux d’amateurs vers les communautés en ligne. 


La première édition de The Extraordinary Adventures of Baron Munchausen est publié en 1998. Il se présente comme un jeu à histoire dans lequel les joueurs vont incarner des nobles du 18ème siècle. La partie se joue à tour de rôle. Les personnages sont réunis dans une atmosphère cozy et vont vanter leurs mérites et leurs qualités au cours de courtes histoires dans lesquelles ils narrent leurs folles aventures extravagantes – dans le ton bien connu des affabulations rocambolesques du Baron Munchausen. C’est un jeu qui mise sur l’ambiance et qui met au défi la créativité des joueurs. Les parties sont courtes et l’ambiance à la table est très décontractée. A son tour, un joueur va se voir proposer une amorce d’histoire, par exemple : “très chère Baronne, racontez-nous la fois où vous vous êtes échappée des geôles des hommes singes sur la lune au moyen d’une corde de 20 pieds”. Le joueur a qui est proposé ce défi a le choix entre 2 options : décliner cette proposition et servir à boire à l’ensemble des convives (et accessoirement aux joueurs) ou se raconter cette histoire. Les autres joueurs pouvant pimenter sa narration en mettant en doute la véracité de l’histoire. La partie se termine par un vote pour élire le personnage ayant raconté l’histoire la plus distrayante – mais ce n’est vraiment pas dans un esprit compétitif que le jeu le présente.


Ergo, de Ian Millington annonce en 1999 ce que les jeux de rôle sans meneur actuels vont être dans les décennies suivantes. Son auteur ne livre pas de règles pour y jouer et suggère d’utiliser FUDGE. Ergo est un texte diffusé principalement sur internet. Le jeu propose un cadre de jeu de rôle collaboratif qui se passe complètement d’un meneur de jeu : il n’y a pas de meneur tournant. Ce faisant, il anticipe un certain nombre de caractéristiques des jeux qui seront publiés dans les années 2000, comme la propriété partagée des personnages non joueurs ou le fait de se mettre d’accord sur un objectif avant de jouer une scène. Le jeu suppose beaucoup de négociations préalables avant la partie. Pour en savoir plus : https://github.com/dylanmc/ErgoBook


Les années 2000

Dans les années 2000, la pratique des jeux de rôle sans meneur va connaître un gros coup de projecteur grâce à la publication de nombreux jeux publiés par des auteurs dits “indépendants” : les jeux ne sortent plus via un éditeur avec pignon sur rue et leur distribution physique et électronique est assurée par l’auteur lui-même. L’auto publication, les blogs et les forums vont apporter un nouveau coup de projecteur à ces jeux.

On ne parle pas encore de “jeux de rôle sans meneur”. Ces jeux ne sont pas considérés comme différents des autres jeux de rôle. Le terme de jeux de rôle collaboratif revient souvent, notamment dans les publications de Ian Millington l’auteur de Ergo .  Notamment en septembre 2000 : http://web.archive.org/web/20020209085841/http://www.agon.com/ergo/collaborate.html


En 2002 Universalis partage de manière égale la narration de l’histoire et la construction de l’univers joué. Les joueurs vont décider ensemble à quoi ressemble l’univers de la partie, il n’y a aucune idée préconçue avant le début de la partie. Les joueurs disposent de jetons qu’ils peuvent dépenser pour prendre la main et introduire un fait. Dépenser un jeton permet également d’interrompre un joueur et de prendre à son tour la main. Chaque objet créé par un joueur (personnage, fait, faction,..)  possède un score d’importance. Ce score baisse lorsque la fiction “blesse” l’objet et pour le retirer complètement de l’histoire il faudra dépenser un nombre de jetons équivalent au score d’importance. Les joueurs regagnent des jetons à la fin d’une scène ou en créant des complications. Les conflits sont résolus en lançant un nombre de dés à 10 faces équivalent au nombre de traits applicables à la nature du conflit. Le conflit est remporté par le joueur ayant obtenu la plus grosse somme de valeurs obtenues aux dés.


En 2001, une communauté de rôliste se forme sur un forum en ligne appelé The Forge. Certaines discussions des participants vont tourner autour de la question des fonctions d’un meneur de jeu lors d’une partie de jeu de rôle. De ces échanges naîtront des essais pour lister et définir ce dont le MJ a la charge. Certains auteurs de jeux proposeront alors des jeux qui s’appuient sur cette cartographie des fonctions du MJ pour jouer avec ses fonctions et les répartir différemment. Le jeu My Life With Master va être pour cette communauté un jeu charnière : le jeu prévoit un meneur, mais celui-ci est en retrait à la table pendant la partie. Son auteur Paul Czege se verra parfois reprocher que “ce n’est plus du jeu de rôle”.

Mais il est important de noter qu’à cette époque (2004-2005) tous les auteurs de ces jeux de rôle collaboratifs ne sont pas membres ou même des lecteurs des pages du forum The Forge. C’est le cas de Jason Morningstar est l’auteur en 2004 de The Shab Al-Hiri Roach – une comédie dramatique teintée d’horreur extraterrestre se déroulant dans une université américaine. Il avait juste capté l’idée qu’il était possible de créer des jeux différents : “vous pouvez faire un jeu où toute la crédibilité et l’autorité sont réparties de manière égale” (source).


En 2004 Polaris de Ben Lehman propose un jeu au principe de meneurs tournant original : le jeu se joue strictement à 4 joueurs, le joueur actif incarne son personnage et les 3 autres joueurs se voient attribuer des rôles en relation avec des pans spécifiques de l’univers joué. Quand la scène du joueur actif se termine, les rôles tournent à la table et le joueur suivant à la table devient actif. Le jeu sera finalisé et publié en 2006.

The Shab Al-Hiri Roach – 2004

Le nombre de jeux de rôle collaboratifs publiés à partir de 2004 s’accroît considérablement. En voici une liste non exhaustive : Faces (2004), The Shab Al-Hiri Roach (2004), Capes (2005), Breaking the Ice (2005), Contenders (2005), Best Friends (2005), Bacchanal (2005), Engle Matrix Games (2005), It Was a Mutual Decision (2005),Apocalypse Girl (2005), Mythic Role Playing (2006),  Shock (2006), The Committee for the Exploration of Mysteries (2006), Kazekami Kyoko Kills Kublai Khan (2006), Grey Ranks (2007), Dirty Secrets (2007), How to Host a Dungeon (2007), Until We Sink… (2007), Stoke – Birmingham 0-0 (2007), Heart of the Rose (2007), Hikikomori (2007), Fuck Youth (2007), Zombie Porn (2007), Zombie Cinema (2008), Western City (2008), Shooting the Moon (2008) Geiger Counter (2008), Under my Skin (2008), It wasn’t me! (2008), Sea Dracula (2008), The Father (2008), Drunk (2009), Fiasco (2009), A Penny for My Thoughts (2009),  Kagematsu (2009), Montsegur 1244 (2009), Annalise (2009), Ribbon Drive (2009), Ocean (2009).


Publié en 2009 Fiasco est pour moi le jeu sans meneur le plus marquant des années 2000. Tout d’abord par son succès auprès des rôlistes et par sa diffusion très large. Mais aussi parce que Fiasco est à ma connaissance le jeu sans meneur qui bénéficie encore aujourd’hui du meilleur suivi de gamme. Suivi de gamme par son éditeur Bully Pulpit Games avec 4 suppléments. Suivi surtout par sa communauté de joueurs qui propose aujourd’hui pas moins de 464 univers différents via le site Fiasco Playsets : The Definitive Collection of Playsets for the Fiasco RPG.

C’est surtout un jeu de rôle que je trouve personnellement jubilatoire, drôle et très accessible pour des débutants. Pour plus d’informations à son sujet et quelques univers de jeu en français, je vous renvoie à ma présentation mais également à celle faite par l’auteur de jeux de rôle Nicolas Ronvel.


Les années 2010

Retracer l’ensemble des productions des jeux de rôle sur ces 10 dernières années nécessiterait un article à part entière – il y en a trop ! Les plateformes de vente et d’impression à la demande ont amplifié considérablement la visibilité et la diffusion des jeux de rôle. On peut citer notamment Lulu.com, DrivethruRPG et depuis 2019 itch.io.

Mais n’hésitez pas à réclamer si vous souhaitez un développement de ce chapitre consacré aux années 201X. Il n’est pas exclu que j’y revienne 😋

Dream Askew par Avery Alder – première édition 2013

Pour ma part après avoir arrêté de jouer aux jeux de rôle pendant trop longtemps (de 2002 à 2012), c’est par les jeux sans meneur que je suis revenu à ce magnifique loisir.

Mon blog recense déjà de nombreux de jeux sans meneur publiés sur la période 2010-2019.

Si je ne devais parler que d’un seul de ces jeux, celui qui m’aura le plus marqué, ce serait Dream Askew. Sa première version sort en 2013 et propose une version sans MJ du jeu de rôle Apocalypse World. Pour cela, le jeu va découper l’univers joué en plusieurs Cadres aux thématiques très fortes. Le jeu confie l’incarnation de ces thématiques aux joueurs. De la même manière que chaque joueur créée puis incarne un personnage, il crée un Cadre en répondant à quelques questions et en opérant des choix qui auront un impact important sur l’univers. Puis pendant la partie lorsque le joueur n’incarne pas son personnage, il peut à tout moment incarner son Cadre.
Si vous souhaitez en apprendre plus sur ce jeu, vous pouvez lire le retour que j’en avais fait en 2018 : https://www.cestpasdujdr.fr/dream-askew/


Fin de ce second chapitre

Encore merci de m’avoir lu. J’espère que ce second chapitre vous aura appris quelques informations intéressantes sur l’histoire des jeux de rôle où le MJ n’est pas unique ni permanent.

Si vous avez des ajouts à suggérer ou si vous notez des erreurs ou des imprécisions dans cet article, n’hésitez pas à les partager dans les commentaires. Ni Gherhartd ni moi ne sommes historiens, chercheurs ou même professionnels des jeux. Ce qui nous motive est avant tout le plaisir de faire des découvertes et la joie de les partager avec d’autres.

La suite de cette série dans une semaine avec les Questions de rôlistes où je répondrai à des questions que j’ai recueilli avec l’aide de nombreuses communautés de rôlistes. Vous saurez tout ! 🤣

N’hésitez pas d’ici là à vous abonnez à la newsletter du blog pour ne pas manquer la suite et pour recevoir des actualités sur des jeux de rôle peu ordinaires.

Les illustrations de cet article sont issues du site Pixabay.

Recevez chaque samedi un email contenant le récapitulatif des articles publiés dans la semaine

Matthieu B

Passionné d'informatique et de jeux de rôle, aime beaucoup trop parler de lui à la 3ème personne. Publie sur C'est Pas du JDR, créateur de forthedrama.com, anime un collectif en ligne dédié au partage, l'entraide, la transmission et l'accessibilité des jeux de l'imaginaire.

1 Comment

  1. Fin des années 80 j’avais des potes qui faisaient du JdR sans meneur au fond de la salle de perm’.
    Ils exploitaient les possibilités de Rolemaster en organisant des Balrog buster dans la Moria… Très éloigné de Dream Askew ! Mais z’avaient 14 ans et s’amusaient sans MJ en 1989 ! (quel commentaire de vieux 😉

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

 

Aller au contenu principal