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La Free Kriegsspiel Revolution

“Party like it’s 1967”

La Free Kriegsspiel Revolution est un mot rigolo – qu’on contracte souvent en FKR ce qui fait bien rire les anglophones qui le prononcent “fucker”) – que j’ai découvert il y a un mois lors de l’enregistrement de l’émission 111 de Radio Rolliste ( lien vers l’émission ). Eric Nieudan nous a présenté une manière de jouer qui s’est formalisé en 2019 autour de quelques principes que voici.

Un game design centré sur la table

  • On commence à jouer avec peu de règles, on élabore selon les besoins et les goûts.
  • Les règles servent les joueuses et le meneur, pas l’inverse.
  • L’honnêteté de l’arbitre/meneur est absolument vitale. Autrement il n’y a pas de confiance et on se repose sur les règles.
    Moins de règles pour plus de réalisme (fictionnel).
  • Tout ou presque étant estimé au cas par cas en respectant la cohérence et la logique de l’univers du jeu, on peut se débarrasser de quasiment toutes les règles.
  • Les joueuses peuvent tout tenter sans être freinées par leurs feuilles de perso ou leur connaissance des règles.
  • Le livre de règles invisible : les connaissances et les assomptions que les joueuses et le meneur ont sur l’univers du jeu sont plus importantes que les règles.
    On joue avec la fiction (JdR) plutôt qu’avec les règles
  • Infinité tactique : on résout les problèmes avec notre capacité à résoudre les problèmes, pas avec notre connaissance du système ou en calculant des probabilités.
  • Jouer des mondes, pas des règles. Un roman ou un film est un supplément de jeu !

Dis comme ça, ça m’avait pas mal intrigué. Surtout que j’avais plus ou moins compris que les personnes ayant pensé le FKR s’inspirait d’une certaine façon de jouer aux jeux de guerre (les wargames, avec des petits soldats) du 19ème siècle, qui avaient eu même inspiré certains rôlistes à une époque où le vénérable premier Donjons & Dragons n’était pas encore publié.

Mais tout ça n’était pas encore très claire dans ma tête. Mais ma curiosité était piquée. Et j’ai donc poursuit mes recherches.

Une simplicité synonyme d’accessibilité et de possibilités infinies

Ce qui m’a fait comme un déclic en écoutant Eric nous parler de cela, c’est l’immédiate simplicité à s’amuser ensemble.

Coté Joueur : pas de fiche de personnage, tout juste quelques notes prises sur une feuille par chaque joueur. Pas de règle à apprendre, encore moins de principe de jeu à comprendre.

Côté MJ : la lecture d’un roman ou le visionnage d’un film ou d’une série suffit.

Je creuse. Je passe quelques heures à chercher sur le web et au final je crée un petit salon de discussion sur le discord de ce blog. Ni une ni deux, on traduit quelques contenus.

Notamment World of essentials (lien vers le jeu), une petite mécanique de jeu mixant FKR et PBTA. Tout tiens sur une carte de visite.

Mon ami Pierre propose aussi quelques traductions.

Un jeu d’imagination sur mesure

Tout le monde partage le même objectif : le plaisir. Faites-vous confiance pour le suivre; arrêtez-vous pour discuter et corriger les éléments qui ne sont pas amusants.

Le jeu est une conversation à bâtons rompus, chaque personne raconte, pose des questions et agit en fonction de son rôle.

L’arbitre dépeint le monde et juge les résultats. Il a le dernier mot, mais doit rester impartial et suivre la logique interne du monde.

Les joueurs incarnent des personnages dans ce monde et décident de la façon dont leurs personnages réagissent aux situations présentées en fonction de leurs traits de caractère et de la logique interne du monde.

Les résultats des actions des joueurs créent de nouvelles situations avec lesquelles ils peuvent interagir. Ce processus se répète pour créer un récit ouvert et collaboratif.

Si une issue est incertaine, le joueur concerné lance des dés – plus le total est élevé, mieux c’est. L’arbitre décide au préalable des probabilités et interprète le résultat.

Assurez une expérience de jeu de rôle sur mesure, en décidant de tous les autres détails par vous-même ou avec votre groupe.

traduction de https://vonbednar.itch.io/deluxe-kriegsspiel-rpg

Jeu de rôle Kriegsspiel Libre par FKR Collective (https://inplay.itch.io/)

Comment jouer?

Le Free Kriegsspiel Roleplaying (ou FKR) est une façon de jouer aux jeux de rôle. En tant que joueur, vous passerez la plupart de votre temps à réfléchir aux propriétés de votre personnage dans le monde (parfois appelé diégèse). Vous jouez en utilisant un langage naturel et évitez autant que possible le jargon des règles.

Vous vous engagez dans le monde en utilisant votre compréhension de celui-ci et vos expériences de la vie réelle. Vous avez probablement une compréhension intuitive du fonctionnement d’une corde, il n’est donc pas nécessaire d’en spécifier les règles. L’arbitre a également une compréhension intuitive du monde, et vous et lui pouvez jouer beaucoup de rôles en utilisant simplement une compréhension commune.

L’arbitre contrôle le monde et agit au nom des êtres qui l’habitent. Les joueurs entrent dans ce monde, et il incombe à l’Arbitre de décrire comment le monde réagit à leurs actions. Pour maintenir une atmosphère immersive, l’arbitre doit également s’en tenir au langage naturel et éviter de nommer les règles ou d’utiliser le langage des règles.

En tant qu’arbitre, vous avez les règles du jeu de rôle à votre disposition, mais votre outil principal est votre propre jugement. Si les joueurs veulent faire quelque chose qui, selon vous, a de bonnes chances d’échouer ou de réussir, vous pouvez leur demander de lancer les dés. Si le personnage d’un joueur tombe d’une falaise, vous pouvez décider que le personnage meurt. Si vous pensez qu’il y a une chance que le personnage survive, demandez un jet de dé, mais appliquez les résultats appropriés, qui peuvent impliquer des blessures graves.

Pour une poignée d’explications de plus

C’est la rencontre avec Wizard Lizard, une rôliste très impliquée sur les deux principaux serveurs Discord FKR, qui m’a permit aujourd’hui d’en apprendre plus sur la génèse de la FKR et sur l’état d’esprit qui motive les personnes qui y participent. Je vais reprendre ci-dessous l’essentiel de ses propos en essayant de ne pas trop me tromper ni dire trop de bêtises!

Car au final, c’est quoi FKR? Une chapelle de JDR de plus? Un OSR plus old school que l’OSR?

Pas du tout. La FKR est née avant tout d’une envie commune de plusieurs rôlistes de créer des jeux plus minimalistes, tout en proposant à chacun et chacune de s’en emparer. On pourrait résumer la mentalité par : voici une proposition, prenez la, modifiez la, appelez cela comme vous le souhaitez et amusez vous.

Le Free Kriegsspiel

Free Kriegsspiel est un jeu aujourd’hui encore disponible sur internet (lien vers le jeu). C’est un wargame qui à son époque – on parle du 19ème siècle – propose de remplacer des règles de jeux nombreuses et exhaustives par un arbitre central qui interprète ce qui est logique et réaliste d’un point de vue militaire et qui va juger au cas par cas le résultat et les conséquences de l’action des joueurs. Tout à coup, il n’y a plus de jet de dé dans un jeu de reconstitution de campagnes militaires.

Des principes de jeu, pas de mécanique

La FKR ne propose pas de contrainte mécanique ni de règle. C’est plus un ensemble de manière de jouer qui varient d’un groupe de joueurs à un autres. C’est avant tout une meneuse de jeu à qui les joueurs vont faire confiance pour arbitrer ce qu’il va se passer pendant la partie.

Les premières réflexions qui ont mené à la FKR sont partie d’une envie : celle de sortir d’un certain carcan du mouvement OSR (Old School Revival, lien vers une définition sur wikipedia) qui se concentrait beaucoup autour de jeux comme AD&D et B/X sans regarder beaucoup plus du côté du Donjon et Dragon de 1974. Or cette première version de D&D proposait des règles bien plus légères en préconisant à chaque table de jeu d’adapter et d’interpréter ces règles.

En résumer, on pourrait définir la FKR comme de l’OSR poussé un peu plus loin. Au lieu de jouer comme dans les années 80, pourquoi ne pas remonter encore un peu plus dans le temps et regarder comment on jouait de 1963 à 1974? (1974 date de la première publication de D&D – si je ne dis pas de bêtises)

Mais l’idée n’est pas de ressusciter des règles ou de reproduire avec exactitude comment les premiers rôlistes ou proto-rôlistes jouaient ( il me semble que de toute manière nous n’avons plus accès à ces connaissances). Mais de capter l’esprit. De s’en emparer. Et de s’amuser avec. S’amuser à la table de jeu, s’amuser à écrire des règles minimalistes et d’en parler aux curieuses et aux curieux.

Et de fait, dans les personnes qui se sont intéressées à la FKR, on retrouve aussi bien des joueurs de D&D 5, que des fans d’OSR, de freeform ou de storygames (les jeux narratifs que je connais bien et dont je parle souvent sur ce blog).

Après nous avoir expliqué tout cela, Wizard Lizard a traduit dans la foulée quelques textes qui vont renseigneront encore un peu plus.

Liens vers le blog de Wizard Lizard :

[Cocorico] Free Kriegsspiel: Jouez des Mondes, Pas des Règles, Etc. + Manifeste Jetable + Le FKR Expliqué à Différents Types de Joueureuses

[Cocorico] Moins de Règles pour faire Plus (1/4) par Justin Hamilton (VO)

[Cocorico] Moins de Règles pour faire Plus (2/4) – Manoeuvres de Combat, par Justin Hamilton

Son Manifest Jetable et son explication de la FKR adaptée à différents publics (débutants, joueurs de D&D..) valent vraiment le détour.

Conclusion et synthèses de toutes ces idées

Alors voilà, 3 semaines après avoir découvert ces concepts, j’ai le cerveau qui bouillonne et j’en tire quelques conclusions.

La FKR ne propose pas de révolution sur le fond. Tout est dans la forme.

Car du jeu libre, du jeu sans règle, ça n’a jamais cessé d’exister. Je vous renvoie à la pointe émergée de l’iceberg que sont les conventions de Supaero (lien vers leur site) et à l’émission que Radio Roliste leur a consacré récemment (lien vers l’émission). Supaero existe depuis le début des années 80 et transmet énormément de choses à de nombreux meneur de jeu au moyen de scénarios rôdés.

Ce qui m’enthousiasme vraiment, c’est cet état d’esprit très ouvert. Cette volonté de vouloir faire découvrir une autre manière de jouer et de créer.

Je ne sais pas encore vers quoi cela va me mener, mais je sais en tout cas que je vais tester ces principes de jeu avec mes enfants et avec des amis.

J’espère que j’aurai aiguisé un peu votre curiosité – et si ce n’est pas le cas, ce n’est vraiment pas grave et je vous remercie d’avoir tenu jusqu’ici 🙂

A suivre !

Quelques ressources pour aller plus loin

Recevez chaque samedi un email contenant le récapitulatif des articles publiés dans la semaine

Matthieu B

Passionné d'informatique et de jeux de rôle, aime beaucoup trop parler de lui à la 3ème personne. Publie sur C'est Pas du JDR, créateur de forthedrama.com, anime un collectif en ligne dédié au partage, l'entraide, la transmission et l'accessibilité des jeux de l'imaginaire.

7 Comments

  1. Article très intéressant!

    Je me rends compte que j’ai appliqué certains principes du FKR tout en jouant à Chroniques Oubliées.

    CO étant une version épurée de D&D, l’idée de départ était de pallier l’absence ou la simplicité de certaines mécaniques par une plus grande liberté donnée aux joueurs. Malheureusement, cette liberté a mené sur de nombreuses discussions d’équilibrage de “nouvelles règles maison” (mes joueurs ne pouvant s’empêcher de gratter des avantages dès qu’ils en ont l’occasion ^^”).

    Finalement, agacé de perdre du temps sur des points de règles plutôt que d’avancer dans l’aventure, j’ai décidé de me reposer le plus possible sur les règles écrites, quitte à réduire la liberté de création des joueurs en fermant radicalement un certain nombre de débats mécanistiques.

    Cela peut paraître un peu triste, mais ça m’évite de me faire des noeuds au cerveau (notamment pendant les combats) pour me concentrer plus efficacement sur le reste (histoire, univers, intéractions, etc…)

  2. Cette partie : «  mouvement OSR (Old School Revival, lien vers une définition sur wikipedia) qui se concentrait beaucoup autour de jeux comme AD&D et B/X sans regarder beaucoup plus du côté du Donjon et Dragon de 1974. »

    Me semble factuellement fausse.

    • Salut Batro! Tu en sais certainement plus que moi sur ce sujet 🙂
      Il faudrait que tu en discutes avec Wizard Lizard dont je reprenais le témoignage dans cette partie de l’article. Il y a une section dédiée à la FKR sur le serveur discord de ce blog pour venir discuter et échanger sur le sujet si tu en as envie.

  3. La grande différence entre les deux discord proposés, c’est que le deuxième n’est pas seulement plus narratif mais est avant tout et surtout à fond dans l’inclusivité lgbtq+/-[a-Z]*.

  4. Salut Matthieu, merci pour cet article intéressant! J’aurai dû m’en douter qu’il y aurait des noms rigolos et des acronymes, je dirai donc à mes partenaires ludiques que Comme à la télé, c’est du Free Kriegsspiel Revolution 🙂 et que nous jouons dans une diégèse, comme cela je passerai pour intelligent.

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