Balikbayan

Aujourd’hui je vais te parler d’un jeu qui est une vraie belle découverte de cette fin d’année pour moi. Balikbayan est un jeu créé selon le canevas Belonging Outside Belonging (BoB – je t’explique ce que c’est ici). Il apporte au genre de nombreuses variations et propose des thématiques qui m’inspirent énormément.

En quelques mots

Balikbayan est un jeu publié août 2019 par Rae, un auteur de jeu prolifique originaire des Philippines et publiant sous le label Sword Queen Games.

Le jeu est prévu pour 3 à 6 joueurs pour des campagnes de 2 à 6 séances de 2 à 4H chacune. C’est un jeu qui se joue aussi bien avec ou sans meneur.

Il se compose de 2 PDF : le premier de 33 pages décrit les règles, le second présente les livrets sur 13 pages.

Le jeu est disponible ici https://temporalhiccup.itch.io/balikbayan

Au prix de 10$

Balikbayan est un jeu Cyber Punk parlant de transhumanisme, de chamanisme, de magie, d’êtres puissants mais marginalisés, coupés de leur véritable nature et traqués.

Les joueurs incarnent des Élémentaires ayant vécus sur Terre il y a longtemps, à une époque où les mythes et les légendes inspiraient encore l’humanité. Mais les humains finirent par créer des machines pour canaliser l’énergie magique des Élémentaires et les soumettre. L’humanité utilisa ces êtres modifiés par l’apport de la technologie pour accomplir des choses incroyables et plier la réalité à ses désirs.

Modifiés, prisonniers, les Élémentaires devinrent des machines. Des machines rêvant d’une magie à laquelle ils n’avaient plus accès par eux-mêmes.

Mais ils finirent par se rebeller. S’échappant des colonies établies par l’humanité dans l’espace. Ils s’unirent et parvinrent à retrouver le chemin de la Terre.

Désormais leurs anciens Maîtres les pourchassent à travers la ville où ils ont trouvé refuge. Ce sont les Corporations, toutes puissantes dans le monde des Hommes et les Esclaves, leurs patins, d’autres Élémentaires restés soumis à l’humanité. Il n’y a plus d’alternative : désormais les personnages doivent se battre pour leur survie et, si nécessaire, détruire ceux qui les traquent.

Parviendront-ils à échapper à leurs Maîtres ? Sauront-ils retrouver leur magie et faire revivre cette ville ainsi que tous les Élémentaires restés sur Terre ?

En territoire connu

Si tu as déjà lu ou joué à un jeu comme Dream Askew ou Before The Spire Falls, tu ne seras pas déconcerté par le contenu du jeu : des livrets pour les personnages au nombre de 6, des livrets pour les 8 Cadres détaillant chacun un aspect important de l’univers et de l’histoire à venir et une fiche de la ville où se déroulera l’action (dans le cas contraire je te renvois à l’article sur Dream Askew pour comprendre comment fonctionne ce type de jeu)

Les archétypes proposés sont :

  • Tikbalang : Élémentaire des animaux
  • Diwata : Élémentaire de la nature
  • Saint : Élémentaire de la foi
  • Aswang : Élémentaire de l’horreur
  • Santelmo : Élémentaire de la mort
  • Duwende : Élémentaire de la création

Les cadres sont :

  • le Destin / Jugement : représente la traque, cette pression permanente pesant sur la destinée des Élémentaires
  • le Retour : représente l’émancipation des Élémentaires de leur statut de machine à celui d’êtres magiques
  • les Esclaves : ce sont des Élémentaires comme les personnages joueurs, mais restés sous le joug des Maîtres. Ce sont de puissants adversaires, mais comme les personnages ils peuvent rechercher la liberté, la vengeance et la justice
  • les Corporations : tirant leur pouvoir des faibles et des opprimés, les Corporations régissent le monde des Hommes et sont motivés par des visés politiques, par l’ordre et le pouvoir.
  • la Magie : cette force est présente partout, sur Terre comme sur les colonies. Elle est imprévisible, mais c’est également le dernier secours des personnages.
  • le Déclin : représente l’oubli dans la machine, ce qui a décuplé la puissance des Élémentaires au prix d’un oubli qui pourrait bien les rattraper les faire disparaitre
  • le cœur de la ville : consciente et en quête de renaissance, la ville où les personnages ont trouvé refuge a souffert des affres de l’apocalypse qui a détruit la Terre. Faisant disparaître les animaux, la nature, les arbres et provocant des centaines de millions de morts.
  • les alliés : des humains qui ont choisi de se battre et de ne plus se soumettre aux Corporations et leurs Esclaves.

La fiche de la ville est un canevas que les joueurs (meneur compris si il est présent) vont remplir lors de la première séance. Il est dangereux de s’aventurer hors de la ville. Les personnages y sont traqués. Mais les personnages ont autant besoin de ses habitants qu’eux ont besoin des Élémentaires. Lors de la création de la ville, les joueurs vont définir à quoi ressemble la ville ainsi que ce qui la menace.

Ce qui change

La première chose qui interpelle à la lecture des règles, c’est la proposition d’ajouter un rôle de meneur de jeu dans un jeu suivant le canevas BoB. Et ce n’est pas anodin : l’auteur.e explique très clairement aux joueurs pourquoi jouer avec un meneur, ce que cela apporte à la partie et ce que cela permet en terme de rythme. Iel dresse ainsi dès les premières pages de son jeu une présentation très claire et argumentée.

La présence d’un meneur de jeu reste cependant une option, et le texte de Balikbayan présente également l’alternative plus classique du jeu sans meneur. Tout en explicitant ce que cela implique en terme de rythme, de gestion de l’adversité, de conflits entre les personnages et de discussions méta.

L’autre point nouveau (qui va ravir les joueurs de jeux Propulsé par l’Apocalypse) est la présence d’horloges sur les fiches des Cadres Destin et Retour.

Ces 2 Cadres représentent le moteur de l’histoire : un indicateur de progression, appelée également horloge, va marquer l’évolution de l’histoire. Les horloges sont là pour créer une pression, ajouter du fun à la partie et éviter que les séances s’enlisent dans de l’exploration pure.

Le Destin comporte une horloge allant de “traqués” à “capturés” tandis que le Retour va de “déclin” à “nouvelle naissance”.

Les règles expliquent très clairement quand faire avancer ces 2 horloges. Et à chaque progression, à la manière d’un move, les joueurs devront faire un choix impactant pour l’histoire.

De l’importance de ce jeu

Pour avoir lu pas mal de jeux BoB, j’ai été réellement impressionné par la qualité de la présentation de Balikbayan. Rae maîtrise son sujet. Et cela à chaque page du PDF par la quantité et la qualité des conseils, des exemples, des explications qui sont clairement tirés d’une longue expérience et d’un recul par rapport à sa pratique de ce genre de jeu.

Du choix de jouer avec un meneur ou de s’en passer, à l’explication de comment présenter l’univers, les livrets de personnages, comment guider les joueurs lors de la création des personnages, l’utilisation des différents types de moves, comment poser les enjeux du Destin et du Retour, jouer les Cadres..

C’est un vrai bonheur pour qui est comme moi tombé il y a 2 ans sur les premières version de Dream Askew et a suivi le développement des jeux BoB.

Ajoute à ça que la mise en page du jeu est claire, originale (je la trouve magnifique!) tout en n’oubliant pas d’indiquer très précisément les éléments qui seront utiles lors de la préparation de la partie comme pendant la partie. Et tu comprendras pourquoi je te recommande chaudement Balikbayan.

(je m’aperçois que l’article touche à sa fin et que je ne t’ai pas présenté comment l’auteur.e propose de gérer la sécurité à la table, qui est une combinaison de ligne et de voiles, de la support flower et de gestes à effectuer pendant la partie)

Pour qui est ce jeu ?

Pour tout le monde. Voilà n’allons pas par 4 chemins : Rae apporte un tel soin à préciser comment le jeu peut être abordé aussi bien par des débutants que par des vétérans du jeu de rôle que je ne vais pas pinailler.

Le canevas BoB propulse des thèmes forts dans les histories racontées à la table de jeu et une façon de partager la narration que j’adore.

Et l’expérience a montré que les jeux BoB comme Dream Askew produisent de magnifiques parties avec de parfaits débutants en jeu de rôle.

De même les conseils et les explications prodigués par les règles de Balikbayan permettront également aux rôlistes de trouver leur façon de jouer à ce jeu.

Balikbayan

Rae a très généreusement pris soin de m’expliquer ce mot.

Balikbayan est un terme utilisé pour désigner un Philippin qui rentre chez lui, généralement après avoir travaillé quelque temps dans un autre pays.

Il signifie littéralement BALIK : Retour BAYAN : Pays

En raison des ramifications à long terme du colonialisme, l’économie des Philippines rend difficile de soutenir la plupart de ses citoyens et de leur fournir des emplois adéquats et la formation dont ils ont besoin. Beaucoup sont forcés à devenir des travailleurs domestiques, des ouvriers, et passent des années loin de chez eux, incapables de rentrer chez eux. Ils doivent souvent endurer de grandes difficultés (leur passeport leur est retiré, ils se font arnaquer par des gens qui promettent alors un emploi mais en obtiennent un autre, les conditions de travail sont inhumaines, etc).

Même ceux qui bénéficient d’un traitement “plus équitable” ne peuvent généralement rentrer chez eux qu’une fois par an, pour quelques jours seulement. L’ironie, c’est qu’ils prennent généralement soin de la famille de quelqu’un d’autre, alors qu’ils ne peuvent pas être avec la leur.

Sur une note plus heureuse, Balikbayan peut aussi faire référence à ceux qui ont la chance d’émigrer et de devenir citoyens d’un autre pays. Les Philippines ont une diaspora importante, beaucoup de gens qui sont d’origine philippine mais qui n’ont jamais ou rarement visité les Philippines. Quand ils viennent ici, on les appelle encore “Balikbayan”, culturellement on ne reconnaît pas quand quelqu’un va dans un autre pays, leurs enfants sont nés aux Etats-Unis, ils sont fondamentalement américains (américains-philippins au mieux), mais quand ils viennent ici on les appelle encore “Balikbayan”.

Quand j’ai nommé le jeu ainsi, j’ai voulu invoquer ces deux réalités. Pour être honnête, les Philippins qui jouent mon jeu seront très probablement privilégiés, peut-être une partie de la diaspora ou de la classe supérieure ici aux Philippines. Lorsqu’ils choisissent parmi les esclaves qu’ils sont et qu’ils pensent à la façon dont les Corporations les ont utilisés, c’est délibérément pour invoquer le sentiment d’empathie et de sympathie envers nos compatriotes philippins qui sont forcés de travailler dans des conditions extrêmement difficiles juste pour faire vivre leur famille.

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